Par Laurent Gorgemans, responsable mondial des produits d’investissement chez Nordea Asset Management
Alors que les obligations d’entreprises européennes affichent des rendements sans précédent depuis de nombreuses années, les investisseurs jettent à nouveau un regard sur ce marché du crédit . Mais alors que tous les segments de la dette des entreprises européennes offrent des niveaux de rendement attrayants par rapport à la dernière décennie, les investisseurs doivent éviter la complaisance face aux défis persistants.
Le segment High Yield est naturellement au centre des préoccupations des investisseurs aujourd’hui, en raison des niveaux des rendements de crédit de qualité inférieure variant de 7 à 8 % à la fin septembre 2023. Cependant, de nombreux crédits de moindre qualité au sein de cet univers restent vulnérables a une détérioration de l’environnement économique compte tenu des incertitudes actuelles.
À l’oppose du spectre, les rendements des obligations européennes IG se situent autour de 4-5 %, ce qui correspond au taux de dépôt de la BCE, alors que les obligations notées AAA à A se situent autour de 4 %. Il est donc peu probable que les taux de ces titres de qualité supérieure produisent un rendement réel important par rapport à l’inflation encore élevée..
Une manière pour les investisseurs de naviguer à travers le dilemme actuel du crédit est d’isoler la catégorie intermédiaire des obligations d’entreprises européennes – celles notées BBB, BB et B. Nous croyons que les obligations d’entreprise de cette catégorie– plus communément appelées ’cross-crédit’ – sont les mieux placées pour obtenir des rendements réels solides, tout en offrant une petite marge de sécurité en cas de nouvelles turbulences économiques ou de détérioration du sentiment des investisseurs.
Les changements de notation créent des inefficacités
En raison de sa position dans le spectre du crédit, l’espace ’cross-credit’ est réputé pour les inefficacités découlant des changements de notation factuels ou anticipés. Alors que les modifications de notation entraînent des déplacements d’allocation des investisseurs sur l’ensemble du marché, l’activité s’intensifie lorsqu’un émetteur chute de catégorie IG vers high yield , ce qu’on appelle communément ‘fallen angel’High Yield, ou lorsqu’un émetteur monte de catégorie « junk bond » à la catégorie IG et devient une ’rising star’.
Cette année (a fin juillet), nous avons assisté à une intensification des changements de notation, avec plus de 400 milliards d’euros de dette d’entreprise européenne ayant subi un changement de notation – soit 30 ’fallen angels’ et 11 ’rising stars’. Ce volume est supérieur à la moyenne des dix dernières années ; il n’est devancé que par l’année 2020, dominée par le Covid, au cours de laquelle de nombreuses entreprises ont été naturellement déclassées, et par la revalorisation de nombreux crédits au cours du rebond économique de 2021.
Étant donné que la volatilité économique devrait persister quelques temps, la dispersion devrait continuer à occuper une place importante dans l’espace ’cross-credit’. Cela offrira des opportunités aux investisseurs actifs, comme cela a été le cas par le passé. De fait, un portefeuille ’cross-credit’ composé d’un tiers d’obligations notées BBB et de deux tiers de dettes BB-B a généré des rendements annualisés de 5 %, proches de l’indice ICE Euro High Yield, qui lui a enregistré un rendement de 5,39 % depuis le 31.12.2000.
Une plus grande attention portée aux fondamentaux
La fin de l’assouplissement quantitatif devrait donner un nouveau coup de pouce aux investisseurs actifs dans le domaine ’cross-credit’. Les banques centrales étaient auparavant les principaux acheteurs d’émetteurs de qualité, les liquidités percolant souvent sur les titres à haut rendement. Intuitivement, le retrait de la demande de la Banque centrale européenne, ajoute de l’importance au discernement entre les émetteurs sains et les noms potentiellement plus faibles.
Au sein du haut rendement, les entreprises européennes ont pleinement profité du faible coût de financement de ces dernières années pour allonger considérablement les échéances. Avec les prochains grands ‘murs de refinancement’ prévus en 2025 et 2026, il faudra peut-être un certain temps avant que les taux de défaut ne grimpent en flèche. Toutefois, les niveaux de spreads ont tendance à s’envoler bien avant les vagues de défauts, ce qui pourrait surprendre de nombreux investisseurs avides de rendement.
Dans leur recherche d’un profil risque/rendement équilibré, les investisseurs pourraient également envisager d’éviter les industries bancaires et d’assurance à bêta élevé. Même si les banques et les compagnies d’assurance offrent des opportunités attrayantes pour un investisseur actif en obligations, ces titres sont sujets à de fortes variations de prix et à une réévaluation soudaine. C’est ce qui est apparu clairement lors de l’épisode de SVB et des banques régionales aux États-Unis, ainsi qu’avec Credit Suisse en Europe, au début de l’année.
Avec des rendements attrayants allant de 4 à 8 %, les obligations d’entreprises et d’autres secteurs du marche obligataire devraient attirer la demande des investisseurs alors que nous nous dirigeons vers une nouvelle année. Avec des inconvénients à chaque extrémité du spectre, il est probable que les flux s’orienteront vers le point optimal du juste équilibre entre le risque de spread et le risque de crédit.
Pour les investisseurs qui s’intéressent aux obligations de sociétés de part et d’autre de la limite de la catégorie investissement et du haut rendement, NAM propose une stratégie ’cross-credit’ européenne. Gérée par Jan Sørensen, cette solution investit dans l’univers des obligations à haut rendement et de qualité afin de tirer parti des inefficacités structurelles créées par les agences de notation. Plus précisément, la stratégie investit dans des obligations d’entreprises européennes (hors financières) qui ont, au moment de l’achat, une notation à long terme comprise entre BBB+ et B- ou équivalente par toute autre agence de notation disponible telle que Moodys et Fitch. La pierre angulaire de la stratégie consiste à exploiter les écarts de crédit/les variations de valorisation entre les différentes catégories de notation, afin d’obtenir les meilleurs profils rendement/risque. La stratégie suit une approche bottom-up qui aboutit à la construction d’un portefeuille conservateur à forte conviction basé sur les solides fondamentaux des crédits.